Wilfried

Wilfried, né entre une guitare et une machine à coudre sur les hauteurs de Pigalle, élevé à l’humour, à la chanson et aux rognons de veau, est le fils de François Corbier, ce trublion du petit écran dont la barbe rousse, les yeux rieurs et la gratte auront marqués toute une génération de jeunes téléspectateurs. Conscient de sa position unique et privilégiée de « fils de », il se taille aujourd’hui un costume sur-mesure de « représentant-en-ritournelles-paternelles-et-grand-légataire-universel-de-l’œuvre ». Délaissant le répertoire des « années télé », c’est de textes oubliés et inédits qu’il compose le sien, n’hésitant pas à entrouvrir les portes d’un univers patrimonial éclectique et foisonnant, où chansons tendres, drôles, ou engagées, côtoient textes décalés, absurdes et poétiques.

Wilfried chante depuis toujours, ici et là, son père mais pas uniquement, et parfois même ses propres mots, mais c’est en 2021 sous l’impulsion de Matthias Vincenot, pour le Festival Déc’Ouvrir de Concèze, qu’il se lance dans l’aventure d’un spectacle Autour de Corbier, en donnant à entendre des chansons jusqu’alors orphelines de tout public.

Comme une suite logique à cet hommage scénique, son premier EP, Du Neuf Avec du Vieux (sortie le 13 octobre 2023), rassemble quatre inédits et une Dame sous la pluie exhumée de la face B d’un 45 tours produit en son temps (1968) par Alain Barrière. Un dialogue rétrofuturiste entre un père et son fils au sujet de la disparition des arbres (Dis papa, qu’est-ce que c’est un arbre), un hommage à Monsieur Prévert en forme d’Inventaire, les divagations érotiques d’un homme pour une « passante » toute brassensienne (Quand je l’appelle), et une Vieille en noir, tendre madeleine au parfum d’enfance perdue, autant de polaroïds d’un passé en devenir et d’un futur déjà presque oublié ; un regard tendre sur le temps qui passe et ce qui nous échappe.

Mais si les mots sont ceux du père, ces cinq chansons sont bien celles du fils : des textes intemporels, écrits et mis en musique à des époques différentes, à l’écriture ciselée et à la poésie singulière, habillées de mélodies charmeuses et entêtantes, que Fabien Martin, réalisateur du projet, a su homogénéiser, parfois moderniser, offrant à la voix légère et sans artifice de Wilfried – tel un Rufus Wainwright flirtant avec les aigus d’un Hubert Mounier – un écrin acoustique, feutré, charnel, quelque peu mystérieux, teinté de nostalgie : piano debussyste de Paul-Marie Barbier, percussions inventives et organiques de Denis Benarrosh, cordes envoutantes d’Isabelle Sajot et Lysiane Métry (violoncelle / violon) …

Empruntez à Michel Delpech son swing élégant, ajoutez-y le spleen stellaire de Julien Baer, saupoudrez d’une pointe de lyrisme suave façon Kings of Convenience et vous obtiendrez, entre le jaune et le violet, de quoi faire Du neuf avec du vieux